La prévention : le défi santé du quinquennat

Quels acteurs et quel financement de la prévention ?

Je suis très heureux de présider ces rencontres pour la Prévention aux côtés de mes collègues députés, Virginie Duby-Muller et Frédéric Valletoux, ainsi que cette table-ronde, car la prévention, ou plutôt la santé publique, comme je préfère nommer l’approche populationnelle de la santé selon les déterminants de santé, est le fil rouge de mon action parlementaire depuis cinq ans. 

En 1945, la logique curative a pris le pas et les financements sur la logique préventive, ce qui a nui à la cohérence de l’ensemble de notre politique de santé publique. Nous en voyons désormais les effets, notre système de santé est submergé par les nouveaux défis auxquels il doit faire face : vieillissement de la population, chronicisation des maladies. Il lui devient difficile d’assurer sa mission première : améliorer l’état de santé de la population française. Nos dépenses de santé sont elles aussi confrontées à des défis financiers majeurs, liés à des innovations diagnostiques et thérapeutiques remarquables mais coûteuses. 

Ces difficultés s’expliquent par notre défaut de perception de la santé, que l’on envisage quasi exclusivement sous le prisme du soin, alors qu’ils ne représentent qu’un faible pourcentage de ce qui fait notre santé, à savoir nos bons comportements en santé, ceux que l’on acquiert dès le plus jeune âge et tout au long de notre vie. Elle est déterminée par des dimensions socio-économiques et environnementales, et ne relève pas que d’une approche individuelle, mais également d’une approche populationnelle.

Ce défaut de perception conduit à ce que l’on consacre une part importante de notre budget aux soins sans que les résultats ne soient à la hauteur de nos investissements : 

  • En Europe, la France détient le record de longévité, mais également celui de la population qui vieillit le plus en mauvaise santé. 
  • En fonction de l’endroit où l’on naît, de l’éducation que l’on reçoit, 13 années d’espérance de vie séparent les plus aisés et les plus défavorisés. 

Chaque année, nous consacrons 250 milliards d’euros à soigner des maladies qui nécessitent par la suite des consultations régulières, des traitements à vie, des hospitalisations répétées alors que nous aurions pu les éviter par une approche populationnelle en agissant sur les déterminants de santé, liés aux caractéristiques individuelles, aux milieux de vie, aux systèmes d’éducation et de santé ou aux contextes socio-économiques. Mais peu de moyens sont alloués à cette politique publique, et les financements sont épars.

Malgré cela, de nombreuses actions positives de prévention ont été menées : 

  • Les vaccinations obligatoires ; 
  • La diminution de la consommation de tabac ;
  • Le 100% santé ;
  • Le Nutri Score…

En outre, j’ai fait adopter deux amendements, les « jaune et orange budgétaires », annexé chaque année au projet de loi de finances, qui permettent d’avoir une évaluation précise des budgets alloués par les différents ministères, les collectivités territoriales et les organismes complémentaires de la Sécurité sociale à la politique de prévention et de promotion de la santé

Car ce n’est qu’en disposant de chiffres précis et étayés, permettant d’avoir un état des lieux complet, que l’on pourra piloter la dépense consacrée à la prévention et définir, le cas échéant, une trajectoire d’évolution. 

Comment faire fonctionner ce nouveau modèle de santé publique ? 

_ Par à un portage politique fort, une gouvernance transversale, interministérielle, qui dépasse largement le seul domaine de la santé, et avec l’appui des autorités déconcentrées pour piloter cette politique au niveau local (préfets).

_ Grâce aux professionnels de santé et aux établissements de santé. Dans ce nouveau modèle d’organisation de la santé, équilibré entre soins et prévention, les établissements de santé, notamment les soignants, seront les acteurs moteurs de l’application de cette politique au niveau territorial. Les territoires sont les parfaits laboratoires de la mise en œuvre de cette politique de santé préventive. 

Tout comme les établissements publics de santé s’organisent grâce aux groupements hospitaliers de territoire (GHT), ou les acteurs de santé d’un même territoire (médecins, établissements de santé, services médicaux sociaux, etc) s’organisent via les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), nous pourrions envisager une organisation territoriale chargée de bâtir cette nouvelle politique de prévention et de promotion de la santé. 

Si les cliniques et la médecine de ville se sont illustrées par leur agilité à s’adapter, tel n’est pas le cas des hôpitaux. Il sera intéressant de réfléchir au rôle du privé, des cliniques, en lien avec la médecine de ville et les pharmacies, pour porter cette politique de santé publique, notamment au travers des CPTS, autour d’une problématique ciblée localement.

_ En nous appuyant sur des « effecteurs », à l’instar de toutes les médecines de prévention, qui sont les acteurs clés de cette politique : les PMI, la médecine scolaire, la médecine du travail. 

_ Et sur les mutuelles, qui peuvent être elles aussi des acteurs moteurs de cette politique. Il convient notamment de réfléchir au partage de compétences entre l’assurance maladie et les complémentaires santé, déléguant plus fortement à ces dernières le volet préventif._ Par un financement dédié et identifié à la politique de santé publique, visible et mesurable. La prévention n’est pas un coût, mais un investissement. Je milite notamment pour que le sixième sous-objectif de l’Ondam soit renommé « Santé publique et autres » afin que le PLFSS puisse devenir l’acte fondateur de la prévention.

Share This